L'addition s'il vous plait [Ami] //Terminé//

A travers la fenêtre du « barbecue des parisiens », on pouvait y voir une salle vaste, mais peu emplie pour un temps de midi. Il fallait dire qu'il y avait une fête, dehors. La décoration était simple mais faite pour rappeler l'ambiance parisienne. Des images de tour Eiffel, d'arc de triomphe et autres posters de femmes dansant le french cancan. Une trentaine de tables, quelques clients qui préféraient le calme d'un endroit vide plutôt que le brouhaha général et parmi ces quelques clients en quête de quiétude, Heine Aeons. Assis a la table centrale, il mangeait un steak haché avec quelques pommes de terre.

C'était rare qu'il mange autre chose que ce qu'il préparait lui même, mais la fête se passait bien trop près de sa demeure, donc il est parti au loin de ce boucan et a profité du calme relatif de l'endroit pour manger. La nourriture était pas terrible, mais malgré tout consommable.

Qu'allait-il faire après ? Partout c'était confettis, rire et musique à fond. Horrible...

*Et si tu allais te payer du bon temps dans un hôtel en attendant ? Les tarifs doivent pas être bien élevé en ce moment.
- Et si tu la fermais ou changeais de suggestions pour une fois ?
- C'est pourtant ce qu'il te faut : une bonne soirée pour te décoincer avec une aventure d'un soir.
- Plutot crever.
- Heine, Heine, Heine... tu as plus de 200 ans, encore un physique tout à fait mignon et attirant et pourtant tu es toujours vierge ! Alors c'est pas faute d'essayer de te pousser un peu, non ?
- Fous moi la paix !*

Heine planta assez rudement sa fourchette dans un morceau de steak puis le mastiqua pour se calmer. Ceci fait, il jeta un œil dehors. La rue était plutôt calme. La fête se déroulait bien plus loin, ce qui expliquait la désertion quasi complète de la rue. Un ou deux gamins passaient en courant parmi les rares passants. Un gamin...

*Tu vois ? Tu espères encore ! Alors plutôt qu'attendre et traiter toutes les femmes comme des merdes, lance toi !
- La ferme ! Plus jamais je me ferais manipuler par une autre femme! Ca suffit !*

Nouveau coup de fourchette violent... Une des points se tordit sous le coup. Heine inspira un bon coup avant de manger son morceau de viande calmement. Jamais il aura la paix, décidément...

Ami inspira un grand coup. Ca allait être sa première sortie en ville. Elle allait arpenter les rues qu'elle avait parcourue joyeusement auparavant avec ses amies, mais cette fois, il allait falloir faire preuve de discrétion. En tant que Fighters, c'était plutôt étonnant, mais elle préférait parcourir un peu la ville avant de se lancer dans un combat dont elle ne connaîtrait rien. Elle savait par des informateur qu'une fête se déroulait en ville à un endroit précis, et elle avait reçus les indications pour ne pas s'y rendre. Elle comptait faire un rapide tour de la ville, pour se rendre compte de ses propres yeux à quel point Shiinu avait changé.
Elle enfila un capuchon discret, d'un noir abimé, couvrant son dos et donc sa queue de loup, et également ses oreilles, et s'enfonça dans les vieux bâtiments.
Elle avait appris à être discrète. En forêt, c'était une condition indispensable à sa survie. Elle gardait les yeux baissés à terre, mais observait avec le plus grand soin ce qui l'entourait. Son cœur se serra. Tout avait changé. Et principalement, l'atmosphère qui y régnait. Tendue. Elle sentait le parfum de l'angoisse flotter autour d'elle. Lui coller à la peau. Elle détestait ça. Elle accéléra le pas... Elle croisait quelques personnes, qu'elle ne regardait pas. Des gamins, des rares passants. De toute façon, si elle se faisait attaquer, elle saurait largement se défendre.
Elle repéra un restaurant, ou un bar, elle ne savait pas trop, qui n'avait pas l'air très fréquenté. Elle décida d'y entrer. De toute façon, tout le monde était à cette présumée "fête". Ami ne supportait pas l'idée qu'il puisse y avoir une fête avec les temps qui couraient. Mais bon, après tout, si des gens parvenaient encore à s'amuser... Tant mieux pour eux. Elle poussa la porte du restaurant, décoré avec des affiches et objets qui rappelaient Paris. Elle n'y prêta pas vraiment d'attention, et se concentra plutôt sur les personnes présentes ici. Souvent des gens seuls, qui cherchaient de la tranquillité. Des personnes qui se concentraient sur leur boisson ou leur plat, au regard neutre. Décidemment, cette ambiance allait être dur à supporter. Mais elle n'avait pas vraiment le choix... Elle s'assit à une table, au hasard. Et soudain, à côté d'elle, elle senti un parfum qu'elle connaissait. Une effluve qu'elle avait déjà sentie précédemment... Mais ca faisait tellement longtemps qu'elle ne l'avait pas perçue. Trois ans. Elle se concentra. Malheureusement, ses doigts se refermaient sur une ombre. Trop longtemps. Elle ne parvenait pas à se rappeler. C'était une odeur étrange... Son sixième sens de loup lui soufflait que c'était une odeur maléfique. Mais ... Comme partagée... Etrange. Elle se tourna légèrement, pour observer à qui appartenait cette arome intriguant. C'était un garçon, qui paraissait avoir aux alentours de 20 ans... Ses cheveux étaient blancs, et ses yeux rouges. Sa peau était blafarde. Une peau pâle... Des yeux rouges... Immédiatement, le visage d'une petite fille s'imposa à l'esprit d'Ami. Akimito. Une démone. Qui avait le même parfum. Cet homme serait donc un démon ? Mais que faisait-il là ? Ami ne l'avait pas vu parmi les Rebels. Il se cachait, alors, simplement ? Des questions se bousculèrent dans l'esprit de la jeune fille. Ca faisait un certain temps qu'elle n'avait pas croisé de démon. Il lui rappelait Aki et Kara. Etrangement. Elle avait envie de lui parler, de lui dire de rejoindre les Rebels, de crier au monde entier qu'il ne fallait pas se laisser faire. Mais... Elle ne pouvait pas. Elle resta à sa table, intriguée, l'observant du coin de l'œil, sans savoir quoi faire. Elle savait bien que pour sa première sortie, elle aurait du rester avec Fûka, mais... Elle avait besoin de se retrouver un peu seule dans la ville qui l'avait accueillie, et qui la rejetait à présent. L'homme restait concentrée sur son plat, mais ses gestes paraissaient brusques. Ami se demanda quel trouble l'agitait. C'était peut-être son démon. Ou l'ambiance de cette ville. Elle n'en savait rien... Elle commanda une boisson à un serveur qui passait par là, histoire de pouvoir rester ici et continuer à en apprendre plus sur la population qui habitait cette ville malsaine. Pour pouvoir ensuite diriger des attaques contre ceux qui avaient détruits son refuge. En attendant, il lui fallait apprendre. Observer.

*Elle t'observe...
- Qui ça ?
- La femme à la table voisine.
- Et alors ?
- Tente le coup, bon sang !
- ... *

Évidemment, il aurait du se douter de cette débouchée, venant de Sheilah. Toujours tout en rapport avec la drague et le sexe, quand on parlait avec elle... et c'est ça qui squattait son corps.

Heine jeta un bref coup d'oeil à la femme. Celle-ci avait commandé une boisson et l'observait encore un peu.

Le jeune homme finit son plat de résistance. Le serveur embarqua l'assiette puis revint plus tard avec une corbeille de petits pains et un plateau de fromage. Le jeune homme en coupa un morceau et l'étala sur un morceau de pain pour déguster le met. Une bouteille de vin rouge fut servi pour accompagner le fromage. Si on en croyait le menu, ils étaient importés de France, évidemment... la encore, ce n'était ni fameux, ni indigeste.

Néanmoins, il sentait encore le regard observateur se poser sur lui, ce qui l'irritait un peu.

<< Qu'est ce qui se passe ? J'ai un bouton sur le nez ? >>

Il n'aurait pas du parler en fait, elle pourrait rebondir sur ça et lancer une conversation... bah, trop tard maintenant.

*Trop tard ! Maintenant que t'es lancé, profites-en pour la draguer ! <3
- ...
- En plus, ça va être de la zoophilie, d'un certain côté, c'est pas excitant ?
- Zoophilie ?
- C'est une louve-garou.
- Comment tu sais ça, toi ?
- Je l'ai sentie, tout comme elle m'a senti, moi.
- Au final, peu importe ce qu'elle est...
- Roh, ça te plairait pas d'avoir des petits louveteaux ?
- T'as fini de me harceler avec ça ?*

Il marchait bien trop dans les combines de Sheilah... jamais il n'apprendra à se taire quand elle le taquinait.

Ami sentit les yeux de l'homme se tourner vers elle. Néanmoins, elle ne détourna pas le regard. Il l'intriguait. Et il n'avait pas vraiment l'air de faire partie des forces de l'ordre... Elle savait qu'il avait remarqué qu'elle le regardait depuis déjà un certain temps. Elle se demandait si il allait lui adresser la parole ou non... Et elle eut très vite la réponse.

Qu'est-ce qui se passe ? J'ai un bouton sur le nez ?

Sans prendre le temps de réfléchir à la prudence, Ami répliqua aussitôt, d'une voix sauvage aux accents de liberté :

Pas du tout.

Elle se tourna un peu plus vers lui, et le regarda fixement. Elle décida d'être directe.

Qui es-tu ?

Elle se doutait qu'elle n'aurait certainement pas la réponse dès maintenant. Elle aurait aimé avoir la confirmation que c'était bien un démon... Et elle aurait aimé voir ce démon, même si c'était sans doute impossible. Voir si il ressemblait à Kara ou non. Et surtout, la question qu'elle se posait, c'était "est-ce qu'il sait qui je suis ?" Si son démon avait compris qu'elle était une louve, elle n'avait plus qu'a espéré qu'il n'était pas un espion, ou quelque chose du genre. Sinon... Peut-être pouvait elle tenter de le faire rejoindre les Rebels ? Elle en doutait. Et il ne lui fallait surtout pas révéler son appartenance à ce clan. La discrétion était encore une fois de mise...

La réponse à la question de Heine ne tarda pas. Elle avait un accent sauvage qui inspirait la soif de liberté.

<< Pas du tout. >>

Encore heureux... La femme se tourna vers Heine et démarra, au grand dam de Heine, la conversation par une question assez directe.

<< Qui es-tu ?
- En quoi ça vous regarde ? >>

Et elle le tutoyait avec ça. Il n'avait pas souvenir de l'avoir rencontré avant, surtout après qu'elle lui aie demandé qui il était.

*Hé ! Elle s'intéresse à toi ! Profites-en plutôt que la remballer !
- ...*

Le fait que justement elle s'intéressait à lui était quelque peu intriguant. Qu'est ce qu'elle lui voulait ? Si ça se trouve, c'était un de ces chiens de collabos et elle pratiquait une forme d'enrôlement forcé... Bah si c'est le cas, il n'y a pas grand monde. On l'assomme, on lui vole sa vie, on la tue et voilà.

*Et un petit viol au passage ?
- ...*

Il commençait enfin à ignorer les remarques salaces de Sheilah. Il était temps après toutes ces occasions.

Néanmoins, la femme était inquiétante à s'intéresser à lui.

<< Et en quoi je vous intéresse, d'ailleurs ? >>

Autant prendre le risque d'en apprendre plus. Au final, si elle était dangereuse, il s'occupera d'elle.

La réponse fut claire et concise.

En quoi ça vous regarde ?

Ami avait pris l'habitude de tutoyer les gens. Pas forcément par amitié, ou par non respect, c'était... C'était simplement une forme de liberté qu'elle prenait. Le vouvoiement rendait, selon elle, trop froid, trop distant. Mais après tout, c'était sans doute le but de cet homme, qui ne semblait pas enthousiaste de débuter une conversation.
Un léger silence régna entre les deux tables, avant que l'homme ne reprenne la parole.

Et en quoi je vous intéresse, d'ailleurs ?
Je ne sais pas.

Elle réfléchis.

Tu n'es pas... Comme les autres, poursuivit-elle avec un mouvement de tête vers les tables environnantes.

L'homme paraissait avoir plus de ... Caractère, comparé à tous ces visages vides d'espoir et vides d'émotions. Et si c'était vraiment un démon... Un démon dans le clan des Rebels aurait une importance inestimable. Ses yeux rouges étaient perturbants, mais la jeune fille en avait vu bien d'autre de ce genre. Elle se demandait pourquoi une puissance telle que celle d'un démon n'était pas utilisée pour combattre les autorités. Pourquoi restait-il indifférent ? C'était en cela qu'il était intriguant.

<< Je ne sais pas. >>

Elle... ne savait pas ? Elle lui adresse la parole pour une certaine raison et elle ignorait laquelle ? Elle se foutait de sa gueule, c'est pas possible !

<< Tu n'es pas... Comme les autres. >>

D'un geste de tête, elle montrait les quelques autres clients aux yeux ternes, vidés de volonté, déjà soumis à la dictature qui régissait les lois de cette île.

<< Et alors ? Ce n'est pas ma faute si ces zigotos sont incapables de garder la joie de vivre. >>

Il ne prêta pas attention au raclement de gorge d'une table éloignée.

*Bon sang mais calme toi un peu ! Sois plus chaleureux avec elle sinon tu vas rater ta chance.
- Je ne suis pas là pour draguer...
- Alors pourquoi tu lui parles ?
- Pour savoir ce qu'elle me veut, la remballer et finir mon déjeuner en paix.
- ...
- Quoi ?
- Tu es désespérant. C'est à se demander qui de toi ou moi est le démon...
- Si t'es pas content, trouve toi un autre réceptacle.
- Le pacte signé, il ne peut être rompu. Tu es ma seule chance d'obtenir ce que je veux alors assume.*

Heine soupira intérieurement et observa son interlocutrice externe. Qu'est ce que cette femme lui voulait, au final ? Et pourquoi sentait-il que le dessert allait devoir attendre ?

Et alors ? Ce n'est pas de ma faute si ces zigotos sont incapables de garder la joie de vivre.

Cela étonna Ami. L'énerva en un sens. Un raclement de gorge se fit entendre, mais les deux l'ignorèrent.

Parce que tu a la joie de vivre, toi ? Avec les temps qui courent, tu arrives à rester joyeux ?

Elle soupira, et pris un peu de sa boisson.

Mais alors pourquoi tu n'es pas à cette fête ? Les gens là-bas ont l'air d'avoir plutôt la joie de vivre, eux aussi.

Son ton s'était fait amer sans même qu'elle s'en rende compte. Elle ferma les yeux un instant, pris sa respiration et se calma.

Enfin, tant mieux pour toi j'imagine.

Elle n'imaginait rien, en fait. Ce qui l'énervait, ce n'était pas le fait que certaines personnes soient heureuses et pas elle, mais plutôt le fait que certaines personnes ne faisaient rien. Tous ceux qui obéissaient lui semblaient être lâches. Elle savait qu'elle ne devait pas penser de cette façon, sachant qu'elle même avait fui cette horreur pendant trois ans. Mais maintenant qu'elle était revenue se battre, elle avait du mal à comprendre l'état d'esprit de certains.

<< Parce que tu a la joie de vivre, toi ? Avec les temps qui courent, tu arrives à rester joyeux ?
- Disons que je ne me sens pas concerné par les évènements. >>

*Ou plutôt que tu n'as pas envie d'y prendre part
- Ca revient au même*

<< Mais alors pourquoi tu n'es pas à cette fête ? Les gens là-bas ont l'air d'avoir plutôt la joie de vivre, eux aussi.
- Je n'appelle pas ça une fête mais plutôt une mascarade. Ils chantent et boivent comme s'il n'y avait pas de dictature ici. Ils font comme s'ils étaient heureux, mais ils ne le sont pas. Je ne vais pas jouer les guignols pour ça. >>

Elle a parlé d'une voix amère. Sans doute était-elle du même avis que lui sur le coup.

<< Enfin, tant mieux pour toi j'imagine.
- Je ne vois pas pourquoi on devrait dire « tant mieux », mais bon... >>

*C'est bien, tu commences à devenir sociable...*

Heine ne répondit pas. Sans s'en rendre compte, il a fait la conversation...

Il acheva son plateau de fromage et son verre de vin. Le serveur emporta l'assiette et revint plus tard avec une salade de fruits pour le dessert. Heine dégusta tranquillement le bol. Une fois que ça sera fait, il partira avant que la femme n'aie assez d'emprise sur lui... en attendant, autant jouer le jeu...

<< Et vous ? Vous ne faites pas la fête ? >>

C'est bien beau de reprocher aux gens les fautes qu'on commet soit même, tiens...

Disons que je ne me sens pas concerné par les événements.

Pas concerné ? Tous ceux qui vivaient ici était concernés. Même les démons. Mais Ami ne fit aucune remarque.

Je n'appelle pas ça une fête mais plutôt une mascarade. Ils chantent et boivent comme s'il n'y avait pas de dictature ici. Ils font comme s'ils étaient heureux, mais ils ne le sont pas. Je ne vais pas jouer les guignols pour ça.

La jeune fille sourit. Effectivement, sur ce point là, ils étaient d'accord. C'était déjà ça. Mais pourquoi, si il pensait ça, ne se battait-il pas ?

Je ne vois pas pourquoi on devrait dire "tant mieux", mais bon...

A vrai dire, elle non plus ne voyait pas.

Et vous ? Vous ne faites pas la fête ? demanda t-il alors qu'un serveur débarrassait sa table.

Ce même serveur lui apporta une salade de fruits, que l'homme commença à manger tranquillement. Mais Ami ne comptait pas le laisser partir tout de suite.

Je pense la même chose que toi. Je n'ai aucune raison d'être heureuse où de faire la fête. Ce sont des hypocrites et des lâches. Mais si tu...

La voix de la jeune fille se fit murmure.

Mais si tu ne trouves pas le gouvernement ... Approprié, pourquoi ne te sens-tu pas concerné ?

Ce n'était pas logique. Puis, Ami se posa une question. Cela faisait un certain temps qu'ils parlaient ensemble, mais elle ne savait toujours pas...

Quel est ton nom ?

<< Je pense la même chose que toi. Je n'ai aucune raison d'être heureuse où de faire la fête. Ce sont des hypocrites et des lâches. Mais si tu... >>

Si il... ? Elle poursuivit dans un murmure...

<< Mais si tu ne trouves pas le gouvernement ... Approprié, pourquoi ne te sens-tu pas concerné ?
- Disons que pour moi, le gouvernement est aussi important que ma première déjection. Je vis comme je veux et ça me suffit. >>

Le temps passait un moment puis elle demanda finalement...

<< Quel est ton nom ? >>

Allons bon... le peuple a oublié les bonnes manières en 200 ans, décidément...

<< Quand on est poli, on se présente avant de demander le nom d'une personne... enfin, je suis Heine Aeons, si vous voulez tant le savoir... >>

Et voilà qu'il donnait son nom. Décidément, ça ne va pas... Il dégusta tranquillement sa salade de fruits en attendant la suite...

*Eh bien eh bien, elle doit bien te plaire, cette nana.
- Pas du tout. Ferme la un peu, tu veux ?
- Allez, avoue que tu espères !
- Il n'y a pas d'espoir pour ce genre de chose...
- C'est toi qui le dis...
- Parce que c'est vrai.
- Tu es pitoyable...*

[i]Peut être, oui...[/color]

Disons que pour moi, le gouvernement est aussi important que ma première déjection. Je vis comme je veux et ça me suffit.

Et les autres ? Etait-il égoïste à ce point ? Se fichait-il à ce point des autres ? De plus, si le gouvernement apprenait que cet homme était un démon... C'en était fini de lui. N'en avait-il pas marre de devoir se cacher ? Ami ne comprenait pas.

Quand on est poli, répondit l'homme, on se présente avant de demander le nom d'une personne.... Enfin, je suis Heine Aeons, si vous voulez tant le savoir.

Il avait donc répondu à sa question. Cela l'étonna. Heine Aeons... Ce n'était pas vraiment un nom courant. Ami se demanda de quelle nationalité il était, mais cela faisait peut-être trop de questions d'un coup. Elle sourit, et répliqua :

Et quand on est poli, on se présente avant de parler à quelqu'un. Je m'appelle Ami. Ami Kasane.

Une phrase de politesse du genre "enchantée" n'aurait servi à rien, de toute façon. Elle appuya son menton sur sa main, sans cesser de le fixer, et continua à tenter de récolter des infos.

Peut-être que tu te fiches du gouvernement... Mais ce n'est que pour l'instant.

Sa voix baissa de nouveau.

Si ce gouvernement apprenait qui tu étais réellement ? Ca ne t'importe pas, de vivre dans le secret ?

<< Et quand on est poli, on se présente avant de parler à quelqu'un. Je m'appelle Ami. Ami Kasane. >>

Ami Kasane... un nom pas hyper courant, mais au moins on se doutait qu'elle était d'origine nippone. Ami adopta une pose nonchalante : le menton dans la main avec le coude sur la table.

<< Peut-être que tu te fiches du gouvernement... Mais ce n'est que pour l'instant. >>

Elle baissa le ton et poursuivit.

<< Si ce gouvernement apprenait qui tu étais réellement ? Ca ne t'importe pas, de vivre dans le secret ? >>

Donc, elle savait bel et bien qui il était...

<< Ca fait plus de 200 ans que je la cache et ça a toujours très bien marché. Le peu qui savent qui elle est sont en train de pioncer entre quatre planches. Occupez vous de votre queue et de vos puces plutôt que vous inquiéter pour elle, voulez-vous ? >>

Voila qui était dit. Maintenant, elle savait qu'il savait. Le reste de la discussion se fera carte sur table. Il était quasiment certain que la conversation a été lancée pour un but précis. Que voulait-elle savoir sur lui ?

*Où plutôt que veut-elle de toi ?
- J'ai rien à lui offrir...
- Tu sais, les femmes qui rêvent d'une aventure d'un soir ne sont pas rares.
- Je ne veux pas retrouver de puces dans mon lit, merci bien.
- Même quand elles n'ont pas de puces, tu les rejettes.
- C'est normal...
- Non, ça ne l'est pas.*

Heine cessa d'écouter Sheilah. Décidément, elle l'énervait, cette garce.

<< J'aimerais bien savoir pourquoi vous me posez toutes ces questions. C'est juste pour meubler la conversation ou bien... ? >>

Plus vite il saura, plus vite il pourra en déduire à quel rang de manipulatrice cette femme s'élevait...

Ca fait plus de 200 ans que je la cache et ça a toujours très bien marché. Le peu qui savent qui elle est sont en train de pioncer entre quatre planches. Occupez vous de votre queue et de vos puces plutôt que vous inquiéter pour elle, voulez-vous ?

Ainsi donc, il savait. Il n'y avait plus aucun doute maintenant. Plus de questions. Ami était persuadée qu'il n'allait rien dire aux Forces de l'Ordre. Et de toute façon, comment pourrait-il le faire, étant donné que lui aussi était recherché pour son statut de démon ? Mais la jeune fille aurait tout de même préféré garder ça secret. Tant pis. On aurait pu dire qu'ils étaient à armes égales maintenant.
Elle avait appris à ne pas s'énerver lorsqu'on lui sortait de genre de répliques cassantes, blessantes. Elle ne réagis donc pas, son visage resta neutre, hormis son léger sourire qui ne voulait pas partir. Elle réfléchis calmement aux paroles de Heine.
Son démon était donc... Une démone.
La voix puissante de l'homme la tira de ses pensées.

J'aimerais bien savoir pourquoi vous me posez toutes ces questions. C'est juste pour meubler la conversation ou bien... ?

Mmh... C'est sur qu'elle n'avait pas été de la plus grande discrétion. Maintenant, que faire ? Elle ne pouvait pas dévoiler son appartenance au clan des Rebels. Il lui fallait répondre avec subtilité. Or, la subtilité, ce n'était absolument pas son truc.

Je suis curieuse, murmura-t-elle. Et je pense... Je pense qu'il faut se battre contre ce que l'on approuve pas, pendant qu'on peut encore le faire, continua-t-elle en désignant d'un mouvement de main nonchalant les alentours et l'atmosphère du lieu. Connaissais-tu cet endroit auparavant ?

Malgré tout ce que Heine lui disait, Ami gardait un visage quasi-neutre. Un sourire restait affiché, tant bien que mal. Pourquoi elle souriait d'ailleurs ? Ca n'avait pas l'air d'un sourire malsain, mais quand même...

Quoi qu'il en soit, la réponse à sa question fut quelque peu révélatrice.

<< Je suis curieuse. Et je pense... Je pense qu'il faut se battre contre ce que l'on approuve pas, pendant qu'on peut encore le faire. Connaissais-tu cet endroit auparavant ? >>

Outre la question « changeons de sujet avant que tu n'ailles me poser des questions gênantes sur ce que tu aurais pu apprendre de ce que je viens de dire », la réplique en disait long. C'était une Rebel...

<< Je suis déjà passé dans le quartier et j'ai déjà remarqué ce restaurant depuis un moment, mais en général je mange ce que je prépare moi même... >>

Bon. Il n'allait pas l'ennuyer avec les histoire de Rebels, surtout en présence de potentiels collabos parmi la (maigre) clientèle du restaurant... toutefois...

<< Je ne vois pas l'intérêt de me battre contre ce qui ne me porte pas de préjudice direct. Il me suffit de faire comme si ça n'existait pas. En revanche, je ne rechigne pas à arracher un bras qui pointe un couteau dans ma direction. Il n'y a que les paranos pour attaquer ce qui est encore inoffensif. >>

*Tu n'as pas fini de l'enfoncer comme ça ?
- Plus je me montrerais désagréable, plus grandes seront les chances pour qu'elle me lâche enfin.
- Bon sang mais montre toi un peu sociable avec les gens ! Si tu le fais pas, je te jure que je prend le corps et je rattrape les dégâts.
- Pour lui insinuer des idées perverses ? Non merci.
- Je me demande qui est vraiment parano entre vous deux...
- Avec toi, je ne pouvais pas tourner autrement...
- Si si, il y avait une autre tournure.
- Je ne veux pas savoir laquelle...*

Bon, il fallait porter un coup de grâce pour la faire partir... toutefois, il ne savait pas sur quel côté attaquer, aussi attendit-il patiemment une réaction d'Ami quand à sa dernière réplique.

Je suis déjà passé dans le quartier et j'ai déjà remarqué ce restaurant depuis un moment, mais en général je mange ce que je prépare moi même...

Mais ce n'était pas cela qu'Ami avait voulu dire. Cette réponse d'Heine voulait probablement dire qu'il n'avait pas connu le Shiinu d'avant. Celui sans ce gouvernement. Le Shiinu qui l'avait accueilli... Elle détourna le regard et ferma les yeux un court instant pour ne pas plonger dans de sombres pensées. Ce n'était pas le moment. Surtout vu ce qu'allait lui dire l'homme...

Je ne vois pas l'intérêt de me battre contre ce qui ne me porte pas de préjudice direct. Il me suffit de faire comme si ça n'existait pas. En revanche, je ne rechigne pas à arracher un bras qui pointe un couteau dans ma direction. Il n'y a que les paranos pour attaquer ce qui est encore inoffensif.

Bon. Il avait très surement compris. Peut-être pas tout, mais... Pas loin. De toute façon, ce n'était pas lui qui irait la dénoncer au gouvernement, Ami en était sur. Mais ce n'était pas une raison pour dévoiler à la première personne venue à quel clan elle appartenait... Elle aurait du faire plus attention. Elle était beaucoup trop inconsciente... En fait, son problème n'était pas vraiment l'inconscience, mais c'était surtout qu'elle était instinctive. A répondre immédiatement sans réfléchir. Mais elle avait toujours été comme ça, ça n'allait pas changer maintenant...

En fait, par "avant", je voulais dire... Avant que ce gouvernement et les Forces de l'Ordre ne soit mises en place. J'y étais moi. Je ne l'ai pas connu comme ça. Et c'est pour ça que je sais que ce n'est absolument pas inoffensif. Si ils étaient tellement inoffensifs, les gens dans cette ville ne vivraient pas dans la peur.

On dirait qu'Ami ne voulait pas parler du restaurant quand elle demandait si elle a connu ce coin avant... mauvaise interprétation de la question, on dirait.

<< En fait, par "avant", je voulais dire... Avant que ce gouvernement et les Forces de l'Ordre ne soit mises en place. J'y étais moi. Je ne l'ai pas connu comme ça. Et c'est pour ça que je sais que ce n'est absolument pas inoffensif. Si ils étaient tellement inoffensifs, les gens dans cette ville ne vivraient pas dans la peur.
- Ah... Non, je ne connaissais pas la Shiinu d'avant. J'ai atterri ici alors que les forces de l'ordre s'installaient et depuis je ne peux pas repartir... et pourtant j'aimerais bien. >>

*Elle marque un point...
- Hmm ?
- Sur le fait que le gouvernement ne soit pas inoffensif.
- Et alors?
- C'est pas toi qui parlais d'arracher les bras qui pointait une arme sur toi ?
- Je croyais qu'on devait rester discret et attendre l'occasion de partir.
- Avoue quand même qu'accélérer les choses serait une bonne idée.
- Je ne me lance pas dans les causes qui me semble perdues... et puis ça reviendrait à avoir encore plus de pain sur la planche.
- Ya que les imbéciles qui changent pas d'avis.
- Je suis un imbécile, alors.
- Ca, c'est bien vrai.*

Dit-elle dans un petit rire. Heine soupira puis se lança.

<< Et je dois admettre que vous avez raison : le gouvernement n'est pas inoffensif. Toutefois, il n'a pas encore pointé son couteau vers moi, donc je n'ai pas à mordre. >>

*Héhéhé...
- Quoi ?
- Tu deviens sociable.
- Je n'ai fait qu'admettre une erreur.
- Ca relève de la sociabilité, mon grand. Allez, sympathise avec elle et attire la dans ton lit <3
- ...*

Et elle remettait ça... Bon sang, vivement qu'il quitte ce restaurant pour enfin retrouver le calme de sa demeure... une fois la fête terminée, bien entendu...

La réponse d'Heine ne se fit pas attendre longtemps.

Ah... Non... Je ne connaissais pas la Shiinu d'avant. J'ai atterri ici alors que les forces de l'ordre s'installaient et depuis je ne peux pas repartir... Et pourtant j'aimerais bien.

Il ne pouvait pas repartir ? Comment ça ? L'autorité ne bloquait pas toutes les entrées et sorties, si ? Ou alors elle ne savait pas encore tout sur cette nouvelle prison... Elle voulait poser la question à l'homme, mais ce dernier eu une légère expression agacée sur le visage et soupira. Ami, intriguée, pensa encore au démon... Enfin, à la démone. Elle se demanda avec curiosité ce qu'ils pouvaient bien se dire, mais elle ne pouvait pas non plus être indiscrète à ce point.

Et je dois admettre que vous avez raison, poursuivit Heine. Le gouvernement n'est pas inoffensif. Toutefois, il n'a pas encore pointé son couteau vers moi, donc je n'ai pas à mordre.

Ami sourit un peu plus. Il admettait qu'elle avait raison. Rien que cette phrase, comparé à ce qu'elle avait pu comprendre de son caractère et ce qu'il avait dit auparavant, lui prouvait qu'elle avait marquée un point. Même si son visage disait plutôt l'inverse...
Quand au reste de ses paroles, selon Ami, elles étaient plutôt égoïstes.

Peut-être pas vers toi, répliqua-t-elle, pas encore vers toi, mais vers tous ceux comme toi. Tous ceux comme moi. Et il est pointé vers tous ceux qui ne sont pas à leurs ordres, vers tous ceux qui ne sont pas humains, même si il est peut-être discret.

Elle détourna le regard et soupira. Puis, sa curiosité prit le dessus et elle enchaîna avec une question.

Pourquoi ne peux-tu pas repartir ?

Le fait qu'il lui aie accordé le point concernant la dangerosité du gouvernement semblait réjouir Ami. Sourire pour si peu... enfin, elle faisait ce qu'elle voulait. Et bien sur, elle repartit sur ce front pour attaquer Heine.

<< Peut-être pas vers toi, pas encore vers toi, mais vers tous ceux comme toi. Tous ceux comme moi. Et il est pointé vers tous ceux qui ne sont pas à leurs ordres, vers tous ceux qui ne sont pas humains, même si il est peut-être discret.
- Tu parles d'une discrétion... et oui, il a déjà prouvé sa dangerosité, mais je n'ai pas encore était bien visé personnellement, donc voilà. >>

*Bravo, maintenant elle va te considérer comme un égoiste.
- Et alors ? Le but, c'est qu'elle me lâche... ou alors qu'elle me dise clairement ce qu'elle veut de moi et qu'on en finisse.
- Je crois que c'est clair, ce qu'elle veut.
- Tant qu'elle ne me dira pas ce que j'ai à y gagner, ma réponse sera un non certain.
- T'es vraiment attiré par le profit, hein ?
- Je vais pas risquer ma peau gratuitement quand même.
- C'est pour notre liberté que tu te défendrais, ça ne sera donc pas gratuit !*

<< Pourquoi ne peux-tu pas repartir ? >>

... c'était quoi cette question idiote ?

<< Je suis fiché comme « non humain » et les non humains ne peuvent pas quitter cette île. Shiinu est devenu un camp de concentration destiné à réduire à l'esclavage tout ce qui n'est pas humain, ne l'oubliez pas... >>

*C'est un peu fort, comme paroles.
- Mais c'est la vérité.
- Plus ou moins, oui...*

Cette fois encore, Heine fut rapide à répondre.

Tu parles d'une discrétion... et oui, il a déjà prouvé sa dangerosité, mais je n'ai pas encore était bien visé personnellement, donc voilà.

Elle avait justement parlé d'une discrétion parce qu'il ne semblait pas encore vraiment d'accord avec elle au début. Il ne pouvait pas se contenter d'une telle réponse... "Je n'ai pas encore été bien visé personnellement" ? C'était quoi ça ? ... On aurait dit qu'à chaque phrase qu'il disait, il s'ouvrait un peu plus. Et oui, cela réjouissait la louve. Cela la réjouissait, car ça lui prouvait que, tout simplement, il y avait encore des gens qui méritait d'être sauvés dans cette ville. Que dans le refuge qu'elle avait trouvé bien des années plutôt, tout n'était pas perdu. Et selon elle, cette personne, Heine Aeons, n'avait pas un si mauvais fond. Elle aurait pu le trouver associable, mais face à tous ceux qu'elle avait pu rencontrer avant, il était même plutôt sympathique. Et de pouvoir parler avec des inconnus, ca lui avait manqué, aussi. Elle se rappelait avec émotion toutes les amitiés qu'il s'était formé entre elle et des tas de pensionnaires, tout ça parce qu'elle avait décidé de les guider à leur arrivée, même ceux qui semblaient avoir besoin de tout sauf d'aide et de compagnie. Elle sourit encore... Elle devait très certainement avoir l'air idiote, à sourire tout le temps. Mais ca lui faisait du bien, après tout ce qu'elle avait vécu ces derniers temps.
Heine reprit alors la parole, répondant à sa question.

Je suis fiché comme « non humain » et les non humains ne peuvent pas quitter cette île. Shiinu est devenu un camp de concentration destiné à réduire à l'esclavage tout ce qui n'est pas humain, ne l'oubliez pas...

Cela la troubla.

Je... Je sais.

Mais... Les mots "Shiinu", "camp de concentration", "esclavage" réunis dans la même phrase... Elle n'arrivait pas à se défaire de cette impression de choc. Pour elle, Shiinu était simplement tout l'inverse. Shiinu était Liberté. Shiinu était refuge. Shiinu était libération... Mais c'était du passé, maintenant. Elle se releva un peu plus sur sa chaise, brusquement, et son poing se referma sur le bois de la table

Justement ! Tu veux partir ! Tu l'as dit toi-même ! Alors bats-toi ! Bats-toi pour pouvoir mener la vie que tu veux... Ou plutôt, devrais-je dire, battez-vous... Shiinu est une prison...

Sa voix se brisa. Mais les éclats de colère persistaient dans ses yeux sombres et profonds. Sa main gantée passa sur son visage.

Excuse-moi. Je n'arrive pas à me faire à cette idée. Avant... Avant, ce restaurant aurait été pleins de vie. Les êtres magiques auraient côtoyées les humains... Avant, les grandes portes étaient ouvertes, mais les gens venaient et ne partaient pas... Tu aurais été tellement bien ici. Toi et ta démone. Et je voudrais tellement retrouver ça.

L'ombre d'un sourire, cette fois triste, glissa sur son visage pâle.

Elle continuait de sourire. Malgré tout ce que lui disait Heine, elle souriait. Alors qu'il n'y avait pas matière à sourire pourtant. Comment pouvait-elle sourire si facilement ? Pourtant, quand Heine répondit à sa question, elle semblait moins souriante... beaucoup moins...

<< Je... Je sais. >>

Elle savait, mais elle semblait si troublée. Comme si l'idée que Shiinu soit tout sauf un havre de paix lui était improbable. Elle se leva et frappa la table de son poing.

<< Justement ! Tu veux partir ! Tu l'as dit toi-même ! Alors bats-toi ! Bats-toi pour pouvoir mener la vie que tu veux... Ou plutôt, devrais-je dire, battez-vous... Shiinu est une prison... >>

Elle s'arrêta de parler, mais la colère se lisait encore dans ses yeux.

<< Excuse-moi. Je n'arrive pas à me faire à cette idée. Avant... Avant, ce restaurant aurait été pleins de vie. Les êtres magiques auraient côtoyées les humains... Avant, les grandes portes étaient ouvertes, mais les gens venaient et ne partaient pas... Tu aurais été tellement bien ici. Toi et ta démone. Et je voudrais tellement retrouver ça. >>

Et elle sourait de façon triste en parlant du passé. Ce genre de sourire, Heine le connaissait très bien et une part de lui le détestait... ce sourire... sa sœur l'arborait souvent à l'époque où ils étaient encore ensemble. Ils parlaient de leurs souvenirs heureux, à l'époque où tout allait encore si bien. Leur foyer, leur famille, leurs amis... tous morts... et elle, elle souriait, exactement comme ça. Et quand elle souriait comme ça, Heine ne pouvait rien lui refuser...

et la magie s'opéra, bouleversant la réalité, créant un miracle...

Heine soupira et la regarda droit dans les yeux. On y lisait tant de la résignation qu'une forme d'affection qu'il n'a jamais adressé qu'à sa sœur. Il revoyait vraiment la mignonne petite fille aux yeux saphirs dans ce sac à puces humain.

<< C'est bon, vous avez gagné... je me battrais. Mais il y a un gros problème. Je ne sais ni par où commencer, ni à qui m'adresser, ni comment frapper efficacement. J'espère pour vous que vous savez comment procéder et m'aider. >>

*Cette fille me plait de plus en plus. Tu devrais vraiment tenter ta chance avec elle.
- Alors qu'elle a réussi à me convaincre de m'envoyer au casse-pipe ? Et puis quoi encore.
- Elle a réussi à te convaincre de te bouger tes miches, nuance.
- Elle me manipule, j'en suis certain.
- Pourquoi vois-tu le diable en chaque femme ?
- Parce que la femme qui squatte mon corps est une démone, peut être ?
- Elles, elles sont aussi humaines que toi !
- Je demande à voir.*

Il commençait déjà à regretter d'avoir cédé. Adieu, calme relatif, bonjour le champ de bataille...

Elle soupira imperceptiblement en attendant la réaction de Heine, sans pouvoir se défaire de ce sourire étrange. Des images de son ancienne vie lui revenaient en mémoire. Des images pleines de joies... Oh, il y avait eu aussi beaucoup de peine, mais ce n'était pas comme maintenant. Avant, elle savait qu'elle pourrait toujours trouver du réconfort parmi tous ceux qui étaient avec elles dans l'ex-Shiinu, elle savait qu'elle n'était pas seule. Et cette fois encore, elle n'était pas seule, mais les Rebels ne représentaient rien face aux Autorités. Et pourtant, dans leurs rangs, l'espoir était là. Toujours bien présent. C'était l'espoir de retrouver ce bonheur qui la faisait sourire comme ça. Elle releva les yeux entendant le soupir de l'homme, et leur regards se croisèrent. Et ce qu'elle lut dans celui d'Heine la laissa sans voix. On aurait dit qu'il se résignait à accepter les arguments d'Ami. Et surtout... Elle y voyait quelque chose qu'elle mit du temps à comprendre. Quelque chose de ... Chaleureux, de protecteur... De l'affection. La jeune fille ne comprit pas la raison de se regard, mais ces yeux réchauffèrent son cœur. Ainsi que les paroles qui suivirent.

C'est bon, vous avez gagné... Je me battrais. Mais il y a un gros problème. Je ne sais ni par où commencer, ni à qui m'adresser, ni comment frapper efficacement. J'espère pour vous que vous savez comment procéder et m'aider.

"Je me battrais". Ces mots résonnèrent en elle longtemps. C'était les mêmes que ceux qu'elle avait prononcé auparavant. Un véritable sourire illumina son visage. Une nouvelle lueur d'espoir était née. Elle eut envie de serrer Heine dans ses bras, mais elle se dit qu'il ne fallait quand même pas abuser de sa tolérance. Elle inclina la tête, et mit toute sa volonté dans ce simple mot.

Merci.

Elle releva le visage vers lui après un petit moment, et réfléchis à ses paroles.

J'ai passé trois ans dans la forêt. Trois ans pendant lesquels mon humanité avait complètement disparue. Et un jour, j'ai croisé une personne qui m'était chère auparavant... J'ai tout de suite décidé de rejoindre les Rebels, mais j'étais comme toi, je ne savais rien. Ne t'inquiètes pas pour ça, on apprend très vite, termina-t-elle avec un petit sourire.

Elle ne savait pas exactement pourquoi elle lui avait dit tout ça, mais elle l'avait fait. L'instinct, l'instinct, toujours lui...

Cependant, j'ai pas mal de choses à t'expliquer. Il faudra que tu choisisses ton "clan"...

Elle s'interrompit alors, et releva des yeux brillants de curiosités :

Mmh... Et... Est-ce que j'aurais, un jour, l'honneur de pouvoir rencontrer ta démone ?

A vrai dire, ces êtres l'avaient toujours intriguée, et intimidée. Le seul qu'elle avait vraiment rencontrée était Kara. Etaient-ils tous comme lui ? Elle sourit en repensant à ce dernier. Avait-il tous la même puissance ? Ces humains qui avaient décidés (ou pas) de rester vivre sur Terre en s'accrochant à un autre être humain... Oui, elle était curieuse.

Elle rayonnait de bonheur, ça se sentait et se voyait rien qu'au sourire qui passait du mélancolique à celui d'une immense satisfaction. Bonne ou mauvaise augure ? Allez savoir... elle inclina la tête et un seul mot sortit de sa bouche.

<< Merci. >>

Elle releva la tête et un petit silence régna avant que la suite ne soit annoncé.

<< J'ai passé trois ans dans la forêt. Trois ans pendant lesquels mon humanité avait complètement disparue. Et un jour, j'ai croisé une personne qui m'était chère auparavant... J'ai tout de suite décidé de rejoindre les Rebels, mais j'étais comme toi, je ne savais rien. Ne t'inquiètes pas pour ça, on apprend très vite. >>

... pourquoi elle racontait sa vie, celle-là ? En quoi ça le concernait ? Enfin, si ce qu'elle disait était vrai, on devrait s'y faire assez vite...

<< Cependant, j'ai pas mal de choses à t'expliquer. Il faudra que tu choisisses ton "clan"... >>

Elle s'interrompit soudainement, comme si une question la turlupinait depuis un moment.

<< Mmh... Et... Est-ce que j'aurais, un jour, l'honneur de pouvoir rencontrer ta démone ? >>

C'est si important que ça, de rencontrer Sheilah ?

<< Peut être un jour, à condition qu'on soit dans un endroit désert. Sheilah ne doit pas se montrer en public... en tout cas, on ne doit pas permuter devant eux. >>

N'empêche... en quoi Sheilah était si intéressante ? C'était une démone comme une autre.

*Oh, mais si elle veut me voir, je vois pas pourquoi je lui refuserais ce plaisir <3.
- J'ai peur pour elle...
- Je vois pas pourquoi...*

Peut-être un jour, à condition qu'on soit dans un endroit désert, répondit Heine à sa requête. Sheilah ne doit pas se montrer en public... En tout cas, on ne doit pas permuter devant eux.

Sheilah... C'était donc ainsi qu'elle s'appelait. "Peut-être un jour", c'était toujours mieux que rien. Avoir la puissance d'une démone dans le rang des Rebels était définitivement un bon point. Bien sûr, ce n'était pas uniquement pour ça qu'Ami s'y intéressait. Sa curiosité était grande, voilà tout.

Très bien, merci, dit-elle dans un léger sourire.

Elle appuya son menton sur ses mains jointes. Elle se demandait quel clan il allait choisir.

Il faut que tu choisisses le rôle que tu veux accomplir.

Elle réfléchit un petit moment, puis poursuivit.

Il y a ceux qui se battent, ceux qui sèment le désordre, dont je fais partie. Ensuite, il y a les espions. Ils sont censés faire aussi ce que je viens de faire : recruter. Puis, ceux qui soignent, et qui cherchent les remèdes. Et enfin... Il y a les autres. Tous sont dirigés par un chef de clan. Lequel pense-tu intégrer ? Quel rôle vous conviendrait, à tous les deux ?

Elle attendit patiemment sa réponse. C'était généralement quelque chose qui demandait de la réflexion, à moins que sa vocation soit toute trouvée, ce qui était le cas pour elle. Se battre libérer son énergie accumulée. C'est ce qui lui permettait, en autre, de contrôler ses transformations. Et sentir le loup en elle se réveiller, le sentir prendre une partie du contrôle de son corps, et n'être plus ni humaine ni animale, mais un mélange parfaitement équilibré entre les deux était une sensation formidable.

<< Très bien, merci >>

Dit-elle dans un sourire avant de prendre une pose nonchalante, tête entre les mains accoudée à la table.

<< Il faut que tu choisisses le rôle que tu veux accomplir. >>

Ah oui, cette histoire de rebelles... quel rôle choisir ? Ca lui semblait évident, pour sa part...

<< Il y a ceux qui se battent, ceux qui sèment le désordre, dont je fais partie. Ensuite, il y a les espions. Ils sont censés faire aussi ce que je viens de faire : recruter. Puis, ceux qui soignent, et qui cherchent les remèdes. Et enfin... Il y a les autres. Tous sont dirigés par un chef de clan. Lequel pense-tu intégrer ? Quel rôle vous conviendrait, à tous les deux ? >>

Semer le désordre ? Ca semblait plus amusant que se battre... en fait, on peut encore se battre tout en semant le chaos, ça c'était amusant !

*Pourquoi pas ? Tant qu'on peut encore piquer de la vie de temps à autre, ça me convient.*

Donc ils étaient fixés...

<< Se battre est assez attirant, mais on préfère semer le chaos. >>

Voila qui était dit. A quoi correspondait l'étape suivante ? Probablement se présenter devant ses futurs collègues...

*héhéhé...
- Quoi ?
- Tu vas devoir faire équipe avec d'autres rebelles, quoi de mieux pour te rendre plus sociable ?
- ...
- Et tu n'aurais pas choisi ce clan pour te rapprocher d'Ami par hasard ?
- Non...
- Hmm... j'en doute <3*